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Marceau le soir

Yannick Marceau

Diffusé précédemment

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Une jeune agricultrice, mère de 5 enfants, lance un cri du coeur sur la réalité agricole au Québec

Dans l'Open Mic, discussion avec une jeune agricultrice qui est sur le point de devoir tout laisser derrière. Elle lance un cri du coeur au gouvernement du Québec.



Voici la lettre de l'agricultrice Sara Tessier:


«Le plus beau métier du monde


Une passion contrariée


Je vous écris le cœur gros, car je devrai sûrement laisser derrière moi le métier que j’ai tant désiré exercer, celui d’agricultrice. Pour moi, c’est le plus beau métier du monde. Il surpasse même celui d’astronaute. Eux voient la terre de loin, alors que moi, je la vois de près chaque jour. Je la sème, je la cultive, je l’habite.


À bien des égards, être agricultrice ressemble à d’autres vocations. Comme une infirmière, je veille sur mes animaux et ma terre. À la manière d’une chef cuisinière, je m’emballe pour mes produits, je les mijote et les savoure avec passion. Comme un champion de la F1, je conduis prudemment des engins agricoles imposants. Comme un médecin, je côtoie la mort autant que la vie.


Ce que je dois abandonner


Bientôt, je devrai tout laisser derrière moi : ce que j’aime, la passion qui me consume depuis l’enfance. J’abandonne le navire que j’ai construit à force de sueur, car je vais couler avec lui. Tout ce que j’ai bâti finira, tôt ou tard, comme une épave au fond de la mer. C’est troublant.


Un héritage inaccessible


Parce que je ne suis pas l’héritière de la ferme familiale, je ne pourrai jamais vivre de ce métier. J’ai essayé, je travaille plus que beaucoup d’hommes et de femmes, mais au bout du compte, je suis clouée au sol.


Je vais probablement perdre ma maison et mon vaste terrain, mes animaux et mes champs. J’ai perdu l’espoir que mes cinq enfants puissent connaître le bonheur de la vie à la ferme.


Un travail sans relâche


Je travaille sans arrêt, jour et nuit, accumulant des heures interminables. Mon conjoint ne reçoit aucun salaire, toujours dans l’espoir que la situation s’améliore. Ce jour ? Il n’arrivera jamais… Après cinq ans de lutte, j’ai compris qu’il fallait cesser de me battre afin de ne pas me noyer.


Le regard des autres et la réalité


De l’extérieur, les gens admirent notre propriété. Un passant s’arrête et me dit à quel point c’est beau chez nous. Je lui réponds : ‘’Oh oui monsieur, mais si vous saviez à quel point c’est difficile…’’ On me dit que je me plains le ventre plein, que peu de gens possèdent une grande maison, des tracteurs coûteux ou une ferme.


Des difficultés économiques grandissantes


En dix ans, le prix des terres, de la machinerie, des pièces et de la main-d’œuvre a doublé, même si cette dernière n’est pas qualifiée. Pourtant, le prix du grain n’a pas augmenté, le prix du porc a même baissé. Si je fais du forfait, je ne charge pas assez pour couvrir mes coûts, et si j’augmente le prix, plus personne ne me choisit. Je suis dans l’incapacité de faire mes paiements.


Une vie de famille éprouvée


Je suis maman de cinq enfants de cinq ans et moins. Mon bébé a trois mois. Est-ce que j’ai arrêté de travailler pour m’occuper d’eux ? Non. Le congé de maternité ne sert qu’à interrompre mon maigre salaire.


Si j’arrêtais tout, j’irais travailler 40 heures par semaine dans une shop, et je gagnerais un meilleur salaire, en travaillant moins. Oui oui, vous avez bien lu!


L’absence de reconnaissance


Je mets toute mon énergie à nourrir la population, mais le gouvernement me dit que si je ne suis pas héritière, tant pis… J’aime mon métier, je l’aime jour et nuit, je le ferais jusqu’au bout du monde. Mais il semble que la production agricole ne soit pas destinée à quelqu’un comme moi, car d’autres en ont décidé ainsi.


Le constat final


Alors me voilà, assise sur la baie, en train de regarder mon navire sombrer. Je le regarde les larmes aux yeux, comme à chaque soir. Je le regarde avec mépris, car il m’a coûté tout ce que j’ai. Je le regarde avec tristesse, car je l’aimais tellement.


Me voilà, assise sur la balançoire, laissant derrière moi, le plus beau métier du monde…


J'aimerais vraiment réussir à le faire publier, car il reflète énormément la vie agricole de bien des agriculteurs.  J'aurais aimé venir en parler, car j'aimerais que les choses bougent.


Si je ne fais pas entendre ma voix, je n'aiderai pas a ce que les choses changent.


Merci de m'avoir lu.


Je vous vous souhaite une excellente journée!


Sara Tessier, jeune agricultrice»